Le ralentissement de l’économie française depuis un an est venu interrompre une dynamique de réduction des délais de paiement. Les petites et les grandes entreprises avaient pourtant acquis de bonnes habitudes à la veille de la crise. Des efforts qui ne seront peut-être pas vains alors que la fin des aides publiques aux entreprises se dessine…
Une baisse historique à la veille de la crise
La baisse était quasi continue depuis près de quinze ans. Même la crise financière puis économique de 2008 n’avait pas entraîné de hause des délais de paiements en France. Seule l’année 2017 avait enregistré une légère hausse pour les délais fournisseurs en atteignant 51 jours d’achats, selon les données de la Banque de France.
Ainsi, à la veille de la crise sanitaire du Covid-19 intervenue en France début 2020, le délai fournisseurs moyen des entreprises françaises s’établissait à 49 jours d’achats contre 43 jours de chiffre d’affaires pour le délai client moyen. Au total, la part des entreprises françaises réglant leur fournisseurs avant 60 jours était de 73 %. A noter : tous les secteurs confondus bénéficiaient de cette diminution.
Une tendance à la baisse qui s’explique par plusieurs facteurs, à commencer par un « contexte économique porteur », note la Banque de France. Si l’incertitude pour l’avenir demeure sur ce dernier critère, ce n’est pas le cas des deux autres sources de diminution des délais de paiement. Le « développement de la facturation électronique » et « le renforcement des sanctions » ainsi que leur médiatisation sont pour leur part, toujours d’actualité.
PME : le bon élève des délais de paiement
Cette dynamique des délais de paiements constatée à la veille de la crise sanitaire cache cependant des différences structurelles. D’un côté, les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) tirent leur épingle du jeu. Elles enregistrent une baisse de leurs délais de paiement tandis que les grandes entreprises, à l’inverse, affichent une augmentation de leurs délais. Une dynamique déjà l’œuvre depuis 2014.
La Banque de France invite cependant à relativiser cette comparaison. Tout d’abord, si les PME font figure de bon élève, elles sont aussi les plus pénalisées par l’augmentation des délais. L’influence sur leur trésorerie serait colossale et atteindrait 19 milliards d’euros pour les PME et 9 milliards pour les ETI. « Sur ces 28 milliards à récupérer par les PME et les ETI, 5 proviendraient de la trésorerie des grandes entreprises qui bénéficient donc de la situation actuelle » souligne l’institution.
Particuliers : des signaux rassurants
Si la situation des entreprises était positive à la veille de la crise, le ralentissement économique risque d’avoir des conséquences. Côté ménages, la situation rassure cependant plus qu’elle n’inquiète compte tenu des premières données publiées. Si les confinements successifs et les différentes mesures sanitaires ont contribué à précariser certaines populations, les ménages dans leur globalité en ont en revanche profité pour réduire leurs charges.
La production de crédit à la consommation a ainsi fortement diminué en 2020 pour atteindre son niveau de 2009. L’Association française des sociétés financières (ASF) relève même que « le taux global des crédits à la consommation recule » pour atteindre « le niveau le plus bas […] depuis 1989 ». A l’inverse, le taux de détention des crédits immobiliers est resté élevé en 2020. Le « ressenti des ménages sur leur situation financière et budgétaire » s’est même « encore amélioré pour la deuxième année consécutive ».
Un sentiment qui s’explique peut-être par le haut niveau d’épargne accumulé en 2020. Les Français ont déposé sur leur Livret A 26 milliards d’euros, soit 10 milliards de plus qu’en 2019. Une étude réalisée pour MeilleursPlacements.com par OpinionWay relève par ailleurs que les Français ont épargné en moyenne 276 euros par mois l’année dernière. Une moyenne derrière laquelle se cache des différences mais qui représente un nouveau record.
Covid-19 : les premières conséquences perceptibles
Côté entreprises, l’année 2021 s’avère plus difficile. Elles anticipent déjà la fin des aides mises en place par l’Etat pour soutenir l’économie française dans les mois à venir. Dès lors, les entreprises « sous-perfusion » ou celles qui auront des difficultés à rembourser les Prêts Garantis par l’Etat (PGE) seront les premières en difficultés. S’il est encore difficile de mesurer les conséquences de la crise sur l’économie, des premiers signaux sont perceptibles.
BPI France prévoit pour sa part que 4 % à 7 % des PGE pourraient ne pas être remboursés. Le cabinet KPMG constatait fin 2020 une augmentation des délais de paiement de 3,5 jours en moyenne sur l’année. Même constat du côté de la Banque de France qui relève une hausse de 3 jours en moyenne entre le premier et le troisième semestre 2020. « Comme attendu dans une situation économique extrêmement dégradée, les délais de paiement se sont allongés mais apparemment pas de façon incontrôlée », souligne l’institution, qui note cependant une diminution en fin d’année.
« Avec la fin des aides de l’Etat et les premiers remboursements des PGE, il conviendra donc de rester vigilant afin de ne pas totalement interrompre la dynamique entreprise depuis plusieurs années. Si une augmentation des délais de paiement est attendue dans les mois à venir, celle-ci n’est pas irrémédiable et les bonnes habitudes des entreprises doivent être maintenues » explique Louis Bauvillard, Directeur Général de Cofag & Associés.
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